Témoignage (extrait) de Christian Bernachot
(rédigé en 2008 ou 2009) sur les circnstances de la création, en 1961, de « La Prière ».
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Voici comment et pourquoi j'ai été amené à le [NDR : le chant] créer.
— Nous sommes en septembre 1961, nous intégrons Coëtquidan après avoir été admis par concours à l'ESMIA. Le journal officiel publie cette intégration en juillet ou en août. Or, après notre arrivée à Coëtquidan, nous apprenons qu'étant issus des corps de troupe nous serons désormais séparés des élèves issus du concours direct. Nous constituons une autre école : l'EMIA.
Cette décision nous atterre, mais notre réprobation ne reçoit aucun écho auprès de la hiérarchie, totalement tétanisée par l'atmosphère délétère qui empoisonne l'armée du fait du drame algérien. Par ailleurs, l'époque n'est pas aux recours devant les juridictions compétentes pour annuler une telle décision.
— 1961, le processus du retrait de l'Algérie est bien envisagé, le putsch des généraux a eu lieu en avril, l'OAS nourrit la révolte et a ses ramifications en métropole dans les milieux d'officiers activistes.
Issus des corps de troupe, nous avons tous été confrontés, à des degrés divers, à cette effroyable histoire. Pour ceux qui, comme moi, ont servi dans des unités d'intervention (10e et 25e DP), tous les repères sont écroulés. Certains chefs que nous vénérions sont mutés, quittent l'armée ou sont contraints à démissionner.
— Dans ce climat épouvantable, mais après avoir été nourris des traditions de Saint-Cyr pendant notre année préparatoire à Strasbourg au PPESMIA, notre promotion se retrouve à Coëtquidan nue comme un ver. Rien n'est prévu pour elle. Pire même, nous sommes tout de suite parqués dans des bâtiments vétustes du vieux camp, très à l'écart de nos camarades de l'ESM. Bref, pour ne pas être trop long, je passerai sur tous les détails de cette désillusion, mais elle fut énorme et particulièrement frustrante et vexatoire.
Sur le plan traditionnel, bien sûr, c'est le néant. Rien n'est prévu à part une remise de drapeau de l'école programmée pour la fin du 1er trimestre.
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